Aujourd’hui, 23 septembre 2013, le Reading Club propose un texte de Mary-Anne Breeze. En septembre 2005, Mez écrit ce texte dans un langage connu sous le nom de mezangelle, un nom composé d’une mésange et d’une hirondelle. Un oiseau hybride, ayant un chickadee pour père et une swallow pour mère. Ou l’inverse… Comme traduction de mezangelle, voici chickallow. En deux mots, une nana qui s’autorise ou qui autorise, comme on veut.
Cela sonne comme du Lacan, mais ce n’en est pas. Pour comprendre un auteur ou une artiste, une oeuvre et pas seulement un texte ou une production en particulier, il est utile de lire ce qu’il écrit sur lui, comment elle se raconte, comment, dans l’espace concurrentiel de la production littéraire et artistique, elle fabrique son propre récit, travaille à étendre son pouvoir d’action et crée de la valeur avec son travail. Pour quelqu’un comme mez – a.k.a. Netwurker, bref, pour une travailleuse du net, il me semble indispensable d’aller voir ses sites, ses pages, ses réseaux sociaux (mezangelle, évidemment, ne peut pas ne pas gazouiller…)
Mez aime mettre en avant ses pseudos, ses avatars. Dans le Reading Club, la question de l’auteur et de son identité occupe une place importante. Mez Breeze, c’est mezangelle (son langage) c’est Netwurker (son statut social), et c’est encore data.h!.bleeder, ms post modemism (sa philosophie ?), mezflesque.exe, Purrsonal Areah Netwurker, cortical_h[b]acker… Mez/mezangelle s’autorise à écrire ses noms et ses textes comme des noms d’applications et comme des lignes de codes informatiques. Mez s’est fait connaître dans le milieu de la littérature électronique et les artistes du net par ses codewurks, une poésie qui a l’aspect du code sans être du code, jouant moins avec le fonctionnement des machines numériques qu’avec ses lettres et ses signes.
Mez n’est ni néo-dadaïste ni lettriste. Avec humour et gravité, elle s’empare de l’oralité propre à l’écriture numérique (tchat, sms, tweets…), une oralité de l’ère électronique théorisée par Walter J. Ong et M. McLuhan, qui en avait déjà perçu les effets, avant Derrida, sur le Finnegans Wake de Joyce, dont Mez se réclame si souvent. Mais ici les mots-valises sont visuellement composés par la ponctuation ou la typographie : accolades, parenthèses, crochets, barres verticales, tirets du bas … faisant ainsi ressembler ses textes au langage C… Mais mezangelle n’est pas la langue-Canada dry de l’écriture électronique. Mez ne cherche pas à ce que ses textes soient lisibles par des machines. Les Human Readable Messages_ rendent matériellement compte du fait que depuis longtemps déjà les textes s’écrivent avec des machines et que les machines agissent sur la manière dont les textes s’écrivent, dont les mots et les phrases se composent et se disent. Dans Ulysse Gramophone (1987), J. Derrida voyait dans Finnegans Wake un effet du téléphone. D’une façon plus systématique, F. Kittler, dans Grammophon, Film, Typewriter (1986) montrait que les machines d’enregistrement et de diffusion de la pensée déterminent notre manière de penser. Entre les machines et nous, des couches de langage existent, avec pour chacune d’elles, des effets spécifiques. Tout est alors affaire de lecture, ou pour être plus précis, de traduction. Les textes de Mez/mezangelle, pour être compris, doivent être oralisés et traduits. C’est ce que, modestement, le Reading Club se propose de faire. Il se pourrait alors que sous l’effet d’une autre brise, les chants de la mezangelle prennent un nouvel envol.
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Le Reading Club est un projet d’Annie Abrahams et Emmanuel Guez (et inversement).
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