_TEXTES THÉORIQUES

Die Technik ist ausgefallen

« Mon Dieu, wo ist denn das Bühnenbild? »
Martin Wuttke dans René Pollesch, Carol Reed, Burg Theater, Vienne, 2018.

Je m’attends à une pièce sur Carol Reed. Le réalisateur du Troisième homme, ce film policier d’espionnage qui se passe à Vienne. Scène vide. Pas de décor. Entrent quatre acteurs : Tino Hillebrand, Birgit Minichmayr, Irina Sulaver, Martin Wuttke. – Mais qu’allons-nous faire ? Une pause ? Non, le public est là. Sur scène le désespoir peut prendre toutes les formes. Toute la pièce joue sur le ressort qu’il n’y aura pas de pièce. De toute manière, le théâtre est vain, il n’a aucune portée politique, rien ne changera plus avec le théâtre. C’est fini. Je me dis : Le cinéma ? Pas mieux. La télévision ? Je ne parierai pas. Les réseaux sociaux ? Oui, sans doute, maintenant, c’est ça qui fait sortir les gens dans la rue. Derrière les lumières dansent le plateau technique qui monte et descend. – Die Technik ist ausgefallen, jouant sur les deux sens du mot, extravagant et qui tombe en panne. Les lumières, montant, descendant, sont des êtres comme les autres, comme les acteurs – je me souviens de Heiner Goebbels. – C’est le parlement des choses ? Le clin d’oeil fait sourire. Imaginons que choses puissent être représentées comme les humains, par les scientifiques. Latour contrôle. À double tranchant : c’est ouvrir la porte aux scientifiques. Dans le doute, je suis Socrate : ne pas confier les clefs de la cité aux médecins, on se retrouverait vite enfermés ou au cimetière. Les lumières sont mobiles, les acteurs bégaient. Le texte est suivi de près par une souffleuse, ou une sorte dramaturge sur le plateau. On appelle, mais il n’y a pas de téléphone, même pas de smartphone. De toute manière le théâtre joue des pièces qui ne signifient rien, n’ont aucun effet et que personne ne comprend. S’ensuit une discussion sur la vacuité de l’existence. Sur le fait que l’acteur peut être un policier. – Je suis un policier en civil, dit Birgit en robe de soirée rose. La logique est implacable – Je suis un homme, je suis aussi un policier en civil. C’est ce qui nous relie : les choses. Ce sont les choses qui nous rapprochent. Mais faut-il vraiment les faire parler ? Et quand il n’y a plus les choses… fumée.